D'emblée, dois-je dire, contrairement aux Américains, les Canadiens n'utilisent pas leur propriété comme une tirelire. Au sud de notre frontière, les intérêts payés sur l'emprunt de sa résidence principale (voire secondaire) sont déductibles des revenus du propriétaire. Conséquence: ce dernier n'a pas hésité, jusqu'à la crise financière 2007-2008, à renégocier régulièrement le solde de son hypothèque à la hausse, utilisant les capitaux ainsi levés non pas pour effectuer des placements, mais pour simplement consommer. D'où le surendettement des ménages américains jusqu'à ce que la bulle immobilière éclate. Depuis, les Américains se sont mis à l'épargne, et sont parvenus à abaisser leur taux global d'endettement.
Autre particularité du marché immobilier américain: les propriétaires, s'ils sont incapables de faire face aux mensualités hypothécaires, peuvent remettre les clés de leur maison à leur créancier sans risquer de se faire saisir les autres éléments de leur actif. Cette situation fait que le marché immobilier américain est plus fragile que celui canadien. Au Canada, les intérêts payés sur l'hypothèque de la résidence principale ne sont pas déductibles. Les propriétaires ont donc intérêt à rembourser le plus rapidement possible leur hypothèque. Tellement que près de la moitié des propriétés unifamiliales au pays sont aujourd'hui libres d'hypothèques.
Par ailleurs, la saisie de sa maison unifamiliale pour défaut de paiement a des conséquences autrement plus graves ici qu'aux États-Unis. Dans le cas de défaut de paiement des mensualités, le créancier peut saisir tous vos actifs (y compris la maison) jusqu'au recouvrement total des sommes prêtées. Conclusion: le marché immobilier canadien repose sur des assises plus solides que celles prévalant aux États-Unis. C'est pourquoi les risques d'effondrement du marché immobilier au Canada sont peu élevés.
Cela dit, un recul des prix est toujours possible vu que ceux-ci ont grimpé sensiblement depuis 1998. À mes yeux, recul il pourrait y avoir dans certaines régions du pays (dans l'Ouest et à Toronto), sans plus. Pour le reste, j'estime que les prix continueront de progresser au rythme annuel de l'inflation. En Ontario, plus spécifiquement à Toronto, les mises en chantier de condos ont été très élevées. De plus, on estime que près de 20 % des condos ne sont pas occupés par leurs propriétaires mais plutôt destinés à la location. Une suroffre de condos pour la location pourrait en effet poser problème au cours des prochains trimestres.
Mais, et fort heureusement, le gouvernement canadien a modifié les règles de financement de sorte que le solde des hypothèques assuré par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) ne puisse excéder 80 % du prix d'achat dans le cas d'un propriétaire non occupant. Cette mesure a probablement limité au Québec le nombre de condos pouvant être offerts à la location. En effet, entre octobre 2010 et octobre 2011, le taux d'inoccupation des condos offerts en location a reculé de 4,2 % à 2,8 %. Quant aux hausses de loyer, elles ont été particulièrement élevées dans la région de Laval, atteignant en moyenne 3 % durant la période contre une moyenne de 2,6 % pour toute la région métropolitaine. Et notez que la demande pour la location est particulièrement bonne pour les immeubles de six à huit unités relativement récents (c'est-à-dire construits après 1990).
Conclusion: le contexte immobilier québécois est encore solide en dépit des prix aujourd'hui beaucoup plus élevés. L'un des facteurs ayant contribué à la bonne performance du parc immobilier est sans doute la migration nette favorable au pays et à la région de Montréal. C'est ainsi que les arrivées nettes venant surtout de l'immigration internationale ont doublé depuis 2005 et auront probablement totalisé près de 32 000 personnes en 2011. Tout indique que le niveau de migration nette sera encore élevé en 2012.